Le tissu du réel
Pour sa première exposition chez Templon à Paris, l’artiste malien Abdoulaye Konaté, figure majeure de la scène contemporaine africaine, dévoile un ensemble inédit de dix œuvres monumentales, entièrement cousues à la main.
Le « maître » poursuit son exploration des grands enjeux de notre temps – du fanatisme religieux à la justice sociale – en proposant un véritable alphabet visuel, somptueux et énigmatique, de formes et de couleurs.
Conçues à partir de tissus camerounais et de chutes de bazin – étoffe emblématique du vestiaire africain traditionnel – ses compositions se distinguent par l’agencement organique de languettes, teintes, découpées puis cousues, qui créent des surfaces vibrantes et chatoyantes. Fruits d’un long travail de recherche et de documentation, ces œuvres puisent à des traditions multiples : l’artisanat malien ou l’art tibetain, les céramiques tunisiennes ou encore les textiles berbères.
Le protocole de création est à la fois précis et exigeant : des premières esquisses, tracées au feutre puis retravaillées à l’ordinateur, sont transposées à grande échelle par ses assistants et par des machines, avant que l’assemblage final ne prenne forme directement au sol de l’atelier.
Les compositions se déploient en dégradés subtils et nuances infinies – du bleu au vert, du jaune au rouge – qui évoquent aussi bien les embrasements de William Turner que les abstractions de František Kupka ou Paul Klee, et jusqu’aux vastes champs chromatiques du Colorfield painting de Mark Rothko.
Si Konaté préfère se définir comme humaniste plutôt que politique, ses tableaux textiles, d’une intensité poétique rare, abordent sans détour les grandes tragédies de notre époque et les fractures nées de la mondialisation. En conjuguant la prospérité occidentale et la spiritualité africaine, son œuvre tisse la trame d’une réconciliation nécessaire, portée par la beauté et la puissance des couleurs.
Né en 1953 à Diré, Mali, cet artiste vit et travaille à Bamako. Artiste visuel, il est une figure majeure de la scène artistique contemporaine de son pays et du continent africain. Après avoir obtenu son diplôme de l'Institut National des Arts de Bamako en 1976, il a poursuivi ses études à l'Institut Supérieur des Arts Plastiques de La Havane, à Cuba, de 1978 à 1985. Chef de la Division des Expositions au Musée National du Mali de 1985 à 1997, il est ensuite directeur du Palais de la Culture de Bamako et des Rencontres Photographiques de Bamako de 1998 à 2002 puis Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia "Balla Fasseké Kouyaté" de Bamako, Mali.