Philippe Cognée

Paysages insomniaques

Avec sa quinzaine de « Paysages Insomniaques », Philippe Cognée démontre encore une fois la puissance de sa pratique : combiner son amour inconditionnel de la peinture figurative, sa longue histoire et son potentiel plastique infini, avec le regard acéré d’un homme contemporain, confronté à une époque plus désenchantée que jamais.

Philippe Cognée – Paysages insomniaques, TEMPLON Paris, 2022
Philippe Cognée – Paysages insomniaques, TEMPLON Paris, 2022

Pendant longtemps, Philippe Cognée s’est emparé de sujets associés à la banalité et la laideur de notre civilisation – supermarchés, autoroutes, architectures impersonnelles – qu’il sublime grâce à une peinture originale, à base de cire, fondue et écrasée jusqu’au flou. Clins d’œil à l’image vidéo, au numérique, ou à l’hypervigilance d’un Google Earth, ses toiles proposaient une déconstruction du regard contemporain. Elles exploraient les notion de « reconnaissable », de mémoire et d’oubli, dans une interrogation existentielle sur « l’épuisement de l’image ».

Aujourd’hui, ce sont des paysages champêtres que Philippe Cognée déroule sur les murs de la galerie. Si les champs de coquelicots ou de tournesols évoquent irrésistiblement le plein air tant chéri des impressionnistes, de Monet à Van Gogh, c’est une réalité autrement plus étouffante que ce panorama dessine.

Découpés en diptyques ou triptyques, étrangement déserts, figés dans une lumière ambigue, ces morceaux de campagne familière fascinent autant qu’ils inquiètent. Leur apparente immuabilité, traversée de couleurs vives voire incongues, leurs surfaces en dripping ou grattées, sonnent comme une résistance ; résistance contre le réalisme, résistance contre la superficialité au sens propre comme figuré. Les terres agricoles deviennent sauvages et les forêts tourmentées. Leur majesté contraste avec une sensation de disparition imminente, chaque paysage se faisant le constat d’un irréconciliable malentendu entre nature et humanité.

Commentaire discret sur les mutations du monde rural mais aussi de notre relation à l’environnement, cette série se fait le miroir de l’angoisse climatique qui a désormais saisi nos sociétés. Chez ces paysages « insomniaques », c’est à la fois la nature, le spectateur, et le peintre qui ne peuvent trouver le repos. La nature habitée par ses propres lois semble se dérober et l’artiste, sidéré par tant de beauté prête à sombrer, abandonne le spectateur à son propre dilemme : contempler la fin du monde ou agir.

Sous le soleil, savane 3

Détails

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L’artiste

Philippe Cognée est né en 1957 à Nantes où il vit et travaille. Ses toiles floues à la cire, chauffée puis écrasée, posent la question de l’épuisement de l’image et de la condition humaine dans son rapport à l’environnement urbain. L’artiste s’inspire de photos ou de vidéos d’autoroutes, de bâtiments, de vues aériennes… Son travail interroge le rôle de la peinture dans une société où l’image, sous les effets des nouvelles technologies, est à la fois omniprésente et appauvrie.

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